Je ne suis pas l’auteur de cet article, repris du site de “Sauvons l’Europe” association dont je suis membre et à laquelle j’encourage à adhérer. Voir le lien sur la frame de droite.
Jeudi 16 février 2012 s’est tenu au Parlement européen un vote fondamental sur l’attitude des institutions européennes face à la disparition de la démocratie et de l’Etat de droit en Hongrie.
Rappelons-en les éléments principaux: verrouillage des circonscriptions électorales en faveur du Fidesz, règle des 2/3 des votes du parlement (désormais inatteignables sans le Fidesz) pour modifier toute loi fiscale et dissolution du parlement si cela entraîne un blocage budgétaire, suppression de la saisine de la cour constitutionnelle pour les citoyens (et pour les députés sur les matières ayant une incidence fiscale), élimination de la hiérarchie judiciaire et nomination des juges par le Gouvernement, choix des juges pour chaque affaire individuelle par le Gouvernement, autorité légale de censure des médias « non objectifs ».
Sarközy von Nagy Bocsà soutient Viktor Orbàn
Trois motions étaient présentées aux députés
La première était celle de l’ECR, le groupe dont le noyau est formé par les conservateurs anglais. Ces derniers, considérant que la Commission a adressé des remarques et des questions au gouvernement Hongrois, proposent d’attendre de voir les réponses de ce dernier et leur appréciation par la Commission. Admirons l’économie qui permet de condenser un tel courage en une seule page de texte. Nous l’appellerons la motion Chamberlain, même si les conservateurs n’ont pas l’habitude de se réclamer de lui.
La résolution démocratique
La deuxième était présentée en commun par l’ALDE (centristes), SD (socialistes), les Verts et la GUE (gauche de la gauche). Une coalition donc assez large, et correspondant à l‘arc europrogressiste que nous appelons de nos voeux. Pour défendre la démocratie en Europe, nous ne pouvons que nous réjouir que cet arc se soit mobilisé!
Cette résolution, très complète, traduit une position de principe que nous approuvons pleinement. Après avoir récapitulé nombre d’évolutions mettant à mal la démocratie en Hongrie, elle :
fait part de ses graves inquiétudes quant à la situation hongroise en ce qui concerne l’exercice de la démocratie, l’état de droit, le respect et la protection des droits de l’homme et des droits sociaux, le système d’équilibre des pouvoirs, l’égalité et la non discrimination;
Elle demande à la Commission de ne pas s’en tenir aux points actuellement examinés, mais lui indique huit domaines devant faire l’objet d’une analyse poussée:
a. la pleine indépendance de l’appareil judiciaire, en veillant en particulier à ce que l’autorité judiciaire nationale, le cabinet du procureur et les tribunaux en général soient exempts de toute influence politique, et pour s’assurer que le mandat des juges nommés en toute indépendance ne puisse être raccourci de façon arbitraire;
b. que le règlement de la banque nationale hongroise respecte la législation européenne;
c. que l’indépendance institutionnelle de l’autorité chargée de la protection des données et de la liberté de l’information soit rétablie et garantie par le contenu et la mise en œuvre de la loi pertinente;
d. que le droit de la Cour constitutionnelle de réviser tout acte législatif soit rétabli, y compris le droit de réviser les lois budgétaires et fiscales;
e. que la liberté et le pluralisme des médias soient garantis par le contenu et la mise en œuvre de la loi hongroise sur les médias, en particulier eu égard à la participation de la société civile et des représentants de l’opposition au conseil des médias;
f. que la nouvelle loi électorale réponde aux normes démocratiques européennes et respecte le principe d’alternance politique;
g. que le droit à l’opposition politique exercée de manière démocratique soit garanti au sein des institutions et en dehors de celles-ci;
h. que la loi sur les Églises et les dénominations religieuses respecte les principes fondamentaux de la liberté de conscience et ne soumette pas l’enregistrement des Églises à l’approbation d’une majorité des deux tiers au parlement hongrois;
En un sens, le seul fait que cette liste existe est proprement effrayant. Comment pouvait-on imaginer, il y’a deux ans à peine, que quatre groupes du Parlement européen inviteraient la Commission Européenne a vérifier dans un pays l’indépendance des juges par rapport à l’influence politique, la possibilité effective d’une alternance démocratique, le droit à l’opposition politique ou la liberté de conscience !!
Et les conséquences qui en sont tirées ne sont pas anodine: l’ALDE, SD, les Verts et la GUE sont d’accord pour demander la mise en route de la procédure prévue à l’article 7 TFUE, qui peut aboutir à la privation des droits de vote de la Hongrie au Conseil pour violation grave des principes fondamentaux de l’Union.
La résolution de soutien au régime Orban
Face à cette position dure (et malheureusement justifiée selon nous), une troisième résolution déposée par le PPE. Elle arrive aux mêmes conclusions que celle de l’ECR, qui sont de soutenir l’examen de la Commission limité à quelques sujets techniques (retraites des juges et indépendance de la banque centrale), mais par un raisonnement beaucoup plus audacieux: tout bonnement le soutien de la réforme constitutionnelle hongroise, aux motifs suivants:
B. considérant que la nouvelle constitution a remplacé la constitution communiste, datant de 1949, et que la Hongrie était le seul pays d’Europe centrale à ne pas avoir adopté de nouvelle Loi fondamentale depuis la chute du communisme;
C. considérant que la nouvelle constitution a pleinement incorporé la Charte des droits fondamentaux et qu’un nouveau système électoral plus équitable a été établi, lequel assure la représentation des minorités au sein du Parlement;
D. considérant que la représentation des citoyens par leur Parlement, élu démocratiquement, constitue l’un des fondements essentiels des sociétés démocratiques européennes, reconnu par les traités européens et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne;
E. considérant que la Commission a soulevé des questions sur des aspects législatifs devant être clarifiés;
1. rejette les attaques infondées contre la Hongrie, qui remettent en cause les engagements démocratiques du gouvernement hongrois; déclare qu’une analyse neutre et fondée sur les faits doit être menée par la Commission;
2. affirme qu’il relève de la compétence souveraine des États membres d’établir leur propre constitution et que ce principe correspond à la souveraineté des peuples quant à l’autodétermination par la démocratie;
Le PPE dit donc, dans l’ordre, que la Constitution hongroise précédente était stalinienne (mais comment ne s’en était-on pas aperçu en les faisant rentrer dans l’Europe?), que la nouvelle est démocratique (fermons très fort les yeux et les oreilles…), qu’il y’a un ou deux aspects techniques à regarder (limitons le débat à l’indépendance de la Banque centrale), que c’est le choix des citoyens hongrois (le Gouvernement s’est bien gardé de leur demander leur avis).
Peut-on mal interpréter la position du PPE? Revenons au 18 janvier, lors du débat sur la Hongrie, durant lequel Joseph Daul, député UMP français et président du groupe PPE, s’est longuement exprimé.
Joseph Daul et Viktor Orban – 18 janvier 2011
Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, cher Viktor Orbán, en 2010, les citoyens hongrois vous ont, à une très large majorité, accordé leur confiance pour faire des réformes. Vous avez alors pris les rênes d’un pays en mauvais état, que ce soit sur le plan économique ou sur celui de la corruption. Voilà l’une des raisons de votre succès sans précédent aux élections législatives.
Les Hongrois vous ont élu avec un mandat clair: rompre les orientations politiques du passé et réformer le pays, comme vous venez de le dire. C’est ce que vous avez entrepris de faire. La Hongrie était le dernier pays d’Europe centrale et orientale à avoir conservé sa Constitution de 1949, d’origine stalinienne. La réforme constitutionnelle a été débattue et adoptée par le parlement, lequel a également voté les trente lois cardinales. Sur plusieurs d’entre elles, des critiques ont été formulées et des doutes ont été soulevés quant à leur compatibilité avec le droit de l’Union. La seule façon de savoir si ces critiques et ces doutes sont justifiés, c’est de nous en remettre au jugement de la Commission européenne, gardienne des traités européens. Mon groupe s’en remet entièrement à ce jugement comme il le fait toujours dans des cas similaires. […]
Nous sommes dans une démocratie. Si elle ne fonctionne pas parfaitement, les démocrates sont là pour écouter, pour avancer et pour changer. Vous avez tous été en Hongrie, et moi aussi j’ai été en Hongrie. Pour le moment, on peut encore circuler librement en Hongrie et je pense que, très longtemps, on pourra encore circuler en Hongrie. La politique, c’est la politique, mais en Hongrie, on circule librement.
Seulement, il est vrai que les difficultés que nous connaissons actuellement se posent dans tous nos pays et pas seulement en Hongrie. Cela vaut pour l’ensemble de l’Europe. La crise que nous traversons fera de plus en plus de pauvres et je ne pense pas que ce soit le gouvernement hongrois qui soit en cause. Et moi, je n’accuserais pas ceux qui ont gouverné hier, qui ont aussi été à l’origine des déficits. Nous avons tous la responsabilité de trouver des solutions. Et je suis sûr qu’ici, avec Viktor Orbán, qui n’est pas un Chavez – et cela me fait mal au cœur que, dans ce débat, en démocratie, dans une maison démocratique, on utilise de tels noms, ça va trop loin, ce n’est pas normal – on cherche des solutions. Il est là, même s’il n’est pas parfait. Qui est parfait? Que celui qui est parfait jette la première pierre! Et je crois que, tous ensemble, nous allons trouver la solution.
Ne jetons pas la première pierre, donc, et souvenons nous que la politique, c’est la politique, mais qu’en Hongrie on circule librement.
Qui a voté quoi?
Comment le Parlement européen a-t-il donc réagi à un tel grand écart des position, lui à qui on reproche toujours de rechercher le consensus mou? Et bien pour une fois, il n’a pas été question de consensus. La résolution PPE a été repoussée par 324 voix contre, 265 voix pour et 38 abstentions. La résolution ECR a été repoussée à son tour par 329 voix contre, 293 voix pour et 8 abstentions. Il est possible que cela traduise le fait que les membres de l’ECR se soient abstenus sur la résolution PPE. La résolution commune ALDE, SD, Verts et GUE a ensuite été adoptée avec 315 voix pour, 263 contre et 49 abstentions. Le PPE a néanmoins mené un combat d’arrière-garde, en demandant un vote séparé sur l’article de la résolution demandant l’a mise en oeuvre de l’article 7 TFUE, finalement voté à la majorité de 314 voix contre 275 et 40 abstentions.
Signalons une incongruité comme l’Europe en offre souvent: la GUE avait déposé un amendement pour exclure l’indépendance de la Banque centrale des sujets à examiner par la Commission, la mise sous tutelle de la Banque centrale étant une bonne chose. Sans être adopté, cet amendement a tout de même recueilli 277 voix, grâce au ralliement du PPE souhaitant affirmer que l’indépendance n’était pas en danger, aucun problème. Il apparaît donc que le PPE a mené sa tactique de défense du régime Orban jusqu’au bout, y compris dans l’absurde avec une alliance de circonstance avec la GUE.
Si l’on exclut la résolution ECR, les quatre votes sont étonnamment stables, avec un apport de la GUE sur ce dernier. Ils traduisent une structuration forte du débat au sein du Parlement, autour d’une question de principe fondamentale. Devant ce choix, qu’ont voté les députés UMP français? Malheureusement, afin de permettre aux députés PPE de rompre en catimini la discipline de vote sur ces résolutions, le vote nominatif n’a pas été demandé. Toutefois nous considérons que sur une question aussi importante, il est impératif que les citoyens puissent connaître le vote de leurs députés.
Une première approche consiste à prendre parti de l’amendement 4 S de la GUE sur la banque centrale hongroise, ce groupe ayant demandé un vote nominatif sur ce point. Ont ainsi mêlé leurs voix aux Front de gauche les UMP Damien Abad, Jean-Pierre Audy, Philippe Boulland, Jean-Marie Cavada, Arnaud Danjean, Michel Dantin, Rachida Dati, Joseph Daul, Gaston Franco, Marielle Gallo, Jean-Paul Gauzès, Françoise Grossetête, Brice Hortefeux, Agnès Le Brun, Constance Le Grip, Véronique Mathieu, Elisabeth Morin-Chartier, Dominique Riquet, Jean Roatta, Tokia Saïfi, Marie-Thérèse Sanchez-Schmid et Dominique Vlasto.
Christine de Veyrac a voté contre, Alain Cadec s’est abstenu, Michèle Striffler a participé à tous les votes de la journée sauf celui-ci. Sophie Auconie, Philippe Juvin, Alain Lamassoure, Maurice Ponga, Franck Proust n’ont participé à aucun vote de la journée, et, sauf Sophie Auconie, n’ont pas signé la liste de présence.
D’une part cependant, ce vote ne préjuge pas totalement de la position de ces députés sur la Hongrie (il est possible que de nombreux députés UMP soient tout simplement opposés à l’indépendance des banques centrales), d’autre part et surtout certains de ces députés pouvaient être momentanément absents de l’hémicycle et avoir laissé à d’autres le soin de voter conformément aux instructions du groupe (?).
Aussi, nous demandons aux députés UMP qui ont pris part au vote de rendre public leur vote sur les deux points suivants: la résolution B70050/2012 déposée par le PPE sur la situation en Hongrie, ainsi que le vote distinct de l’article 7 de la résolution B70095/201 finalement adoptée sur la Hongrie, portant sur la mise en oeuvre de l’article 7 TFUE et pour lequel le PPE avait demandé un vote séparé.