NWOW, new ways of working.
La loi de la gravitation n’a pas été inventée dans un open space ! ….
… ni dans un bureau individuel.
Isaac Newton a découvert la loi de la gravitation en faisant la sieste dans un verger sous un pommier. Avait-il inventé simultanément le télétravail ? On peut se poser la question.
En tout cas, au claim moderniste du travail « anywhere, anytime, any device », Il apportait déjà une réponse sur deux premières propositions il y a déjà trois siècles.
Le travail, un paradigme en évolution constante
Ce qu’il est convenu d’appeler la « valeur travail » est une conception très moderne. Dans l’antiquité, le travail est réservé aux classes les moins considérées de la société. L’esclavage, qui devient le servage (de servus = esclave) permet aux classes nobles de ne pas travailler. La révolution mercantile du moyen-âge commence à donner de la valeur au travail, au même rythme que de l’argent et du pouvoir aux boutiquiers, aux trafiquants (ce n’était pas péjoratif) et autre artisans.
Le travail est toujours aux XVII° et XVIII° siècles une cause de déchéance de noblesse (à part quelques professions comme verrier) alors que le savant est le prolongement de l’honnête homme et du Sage qui ne se préoccupent pas de débouchés économiques.
La révolution industrielle change tout. Le travail est la norme. Le prolétaire s’exténue à la tâche pendant que le bourgeois prospère en travaillant dur. Les parents encouragent leurs enfants à bien travailler à l’école pour prétendre à un bon travail demain. Bientôt il est de bon ton, puis la norme de souhaitée, de s’épanouir au travail. Même si les politiques publiques ne sont pas toujours au diapason, dans l’imaginaire collectif, le travail est plus valorisé que la rente.
L’accélération des échanges mondialisés, le village global, la révolution numérique mettent à bas l’édifice. En même temps qu’elle crée des emplois et réduit la pauvreté dans le monde, la révolution numérique détruit des emplois, le plus souvent peu qualifiés. Ce que Bruno Teboul appelle le « robotariat » grignote sur le salariat. Le DAB remplace le guichetier depuis les années 70. La banque en ligne fera fermer massivement les agences dans les années 2010. L’autoscanning aura fait disparaître les caissières dans les années 2020. Certains pensent que les voitures connectées auront fait disparaître les taxis mais aussi tous les Uber et les livreurs au plus tard en 2030.
Alors que l’emploi à vie dans une entreprise unique n’est le plus souvent qu’un rêve pour la plupart, il est aussi quelque chose qui fait rêver de moins en moins. Travailler autrement, ici ou ailleurs, salarié, puis freelance, puis entrepreneur… aujourd’hui actuaire, demain gérant d’un bar à tapas…la génération Erasmus, comme la génération Y n’écoutent plus les promesses de plans de carrières où on commence à travailler en open space à 25 ans pour enfin obtenir un bureau individuel à 40.
Je peux être un web designer performant l’après-midi sous un pommier, et aussi contrôleur de gestion et je peux même manager mes équipes à distance en France ou à l’étranger.
Et oui, 3 siècles après, Newton est revenu.
New ways of working (nwow) : pas un objectif, une donnée
En 1995, il y a vingt ans, Jeremy Rifkin annonçait la « fin du travail ». Souvent mal compris, il annonçait pourtant des phénomènes qui se sont avérés.
L’entreprise veut attirer les talents et les fidéliser… pour un temps ! Car le talent fidélisé trop longtemps ressemblera un jour à un anachorète qui ne connaît rien de l’extérieur, n’apportera plus d’idées nouvelles et encore moins iconoclastes. L’axiome de base du marketer (et du joueur de cartes) « un bon coup d’œil vaut mieux qu’une longue réflexion » reprendra ses droits et la roue tournera… et le « vrai » talent le sait bien !
Les aléas économiques poussent à davantage de flexibilité et à exporter le risque. La gestion du salariat se complète naturellement et rationnellement d’un dispositif complémentaire quelle que soit la forme qu’il prend : CDD, intérimaires, sous-traitants…
L’un vend, l’autre achète ce qu’on appelait autrefois « la force de travail », qu’on appellera plus volontiers aujourd’hui compétence, expérience, expertise. Suis-je obligé de l’acheter à un seul indéfiniment ? Suis-je obligé de la vendre à un seul indéfiniment ?
Un nouvel équilibre se crée, au sein des entreprises et à leur périphérie : salarié aujourd’hui, assistant extérieur demain, consultant après demain, concurrent un jour peut être… Nous sommes tous, un jour, clients les uns des autres.
Il est donc légitime que chacun, entreprise et particulier, revendique pour lui le meilleur de ce que les évolutions technologiques et sociétales permettent.
Le télétravail s’impose. Il est multiforme : homeshoring, homeworking, tiers lieux, coworking… Il est le produit des volontés concordantes de rationaliser l’espace, de ne plus subir le commuting, de rééquilibrer les temps de vies…
Le management à distance ne désigne plus seulement l’éloignement géographique mais également la distanciation par rapport au discours de l’entreprise. Le green washing fait de moins en moins recette et les salariés d’une banque, d’un pétrolier ou d’un telco savent bien qu’ils n’ont pas été embauchés par l’armée du salut. Ils considèrent comme légitimes les objectifs de rentabilité. Le « parler vrai » s’impose comme seul langage managérial acceptable.
Je n’attends plus de mon « boss » qu’il soit mon coach et me démontre quotidiennement qu’il sait mieux faire mon travail que moi. Le patron de Renault ne sait sans doute pas faire une vidange et le DSI de mon entreprise sait peut-être pas programmer. Ce que j’attends de lui, c’est une vision, du sens, un engagement, de la confiance.
Je gère mon temps comme il me convient et je supporte de moins en moins de rendre des comptes sur autre chose que mes résultats. Qu’on me donne des objectifs clairs et le temps que je passe pour les réaliser ne regarde que moi, comme la manière dont je m’y prends, comme le lieu où je travaille.
Les technologies qu’on n’ose plus appeler « nouvelles » me le permettent et j’exige qu’on me fournisse les outils et service performants qui me permettent d’échanger, communiquer, partager et finalement délivrer. L’entreprise qui s’en est dotée répond à cette appétence autant qu’à ses propres objectifs de productivité. La gestion du parc immobilier va également s’en trouver rationalisée sans pénaliser la qualité de vie au travail dès lors que le « anywhere » est rendu possible et que l’horizon pour le jeune cadre n’est pus « bureau d’angle en étage élevé ».
NWOW : un enjeu majeur
Tout l’enjeu est de savoir comment les nouveaux équilibres vont se faire.
Soit la révolution digitale et son corollaire le robotariat vont imposer aux salariés des contraintes pouvant aller jusqu’à la plus grande précarité, au “slashing” (cumuler plusieurs emplois) et vont créer un nouvel esclavage.
Soit l’appétence à la responsabilité, à l’autonomie, l’inventivité et la créativité , associée aux besoins des entreprises en talents de toutes sortes vont créer de nouveaux espaces de liberté et de nouveaux équilibres de vie.
En ce domaine comme en d’autres, “au pessimisme de la raison s’oppose l’optimisme de la volonté” (A. Gramsci). C’est pourquoi le sujet des nwow doit être pris à bras le corps par tous ceux (entrepreneurs, salariés, indépendants, sociologues, coachs, politiques) pour qui l’humain doit être au centre des relations au travail.
C’est pourquoi, ainsi, avec quelques amis, nous avons créé “nwow le think tank”.