Après le traité, les nonistes s’en prennent à l’Euro. C’en est assez !

en collaboration avec Lionel Rouillon 

Lundi 19 novembre, l’agence Moodys’S a dégradé la note de la France, lui retirant à son tour le fameux AAA. Selon elle le pays perdrait régulièrement en compétitivité. Parallèlement, les négociations commencées entre les chefs d’Etat Européens sur le budget de l’Union s’annoncent plus que conflictuelles. Et les déclarations pessimistes se succèdent, au gré de l’europhobie affichée du gouvernement Cameron et reprises en chœur par les nonistes de toutes obédiences. 

Chacun y présente volontiers son pays comme une victime, oubliant le plus souvent d’avoir l’honnêteté de parler des recettes reçues de l’Union et qui alimentent des pans entier de son économie.

Comme ils le font à chaque occasion, les nonistes, mettent en cause l’Europe et maintenant l’Euro. Pour relancer nos économies, il faudrait sortir de l’Euro et dévaluer. Pour eux point de doutes : C’est la faute à l’Europe si la Grèce s’enfonce. C’est la faute à l’Euro si l’économie est atone, le pouvoir d’achat en baisse et si le déficit commercial en hausse. Sortons de l’Euro et tous nos problèmes seront résolus nous disent-ils. Une dévaluation massive permettrait d’un coup d’un seul de relancer la production du pays, de rendre nos produits exportés moins chers et donc plus compétitifs et les produits importés, enfin exorbitants pour ces mauvais citoyens qui se laissent aller à acheter étranger ! Acte suivant, la relance de la production ainsi obtenue génère de la croissance et tire le pays de l’ornière.

Un raisonnement simple donc, c’est d’ailleurs ce qui fait sa force. Mais surtout un raisonnement faux !

Sur le plan des principes d’abord :

Malgré les déficits qui s’accumulent depuis près de 40 ans (le dernier budget d’un Gouvernement Français voté en équilibre remonte à 1974), la France n’a jamais payé des taux d’intérêt aussi bas. De manière plus générale, depuis l’entrée dans l’Euro et jusqu’à la crise des dettes souveraines, l’ensemble des pays de la zone a bénéficié de taux largement réduits. Autrement dit, l’Euro nous a donné des marges de manœuvre budgétaires inconnues jusqu’ici, ce qui est  un atout incontestable.

Si certains Gouvernements ont décidé d’utiliser cet atout considérable pour endormir leur population et ainsi occulter le travail d’investissement productif et d’assainissement qu’ils avaient à faire, ce n’est pas l’Euro qu’il faut rejeter, mais ces responsables passés ayant érigé la démagogie, l’aveuglement politique et la fuite en avant comme fil rouge de leur stratégie économique. Ne nous trompons pas de cible !

Dans ce cadre, une petite question à nos respectables amis nonistes : lorsqu’après une brûlure, on s’est apaisé avec de la biafine, mais qu’imprudemment on continue à jouer avec les allumettes, un jour – fatalement – on se brûle à nouveau … quelle réaction avoir ? 1°) jeter la biafine à la poubelle ; 2°) s’en remettre d’urgence une nouvelle couche ; 3°) arrêter de jouer avec les allumettes ; 4°) opérer un mix des solutions 2° et 3°…

Il en va de même avec l’Euro : l’argument selon lequel « parce que l’instrument est efficace, il a permis la mise en œuvre de politiques erronées sans avoir à en subir les conséquences ; donc jetons l’instrument, ça nous obligera à subir de plein fouet toutes nos nouvelles erreurs » vaut quand même sa place au Guiness des records dans la rubrique du paradoxe politique.

Il est cependant vrai que cet atout n’est pas infini et certains pays sont en train d’en tester la limite, demain peut-être la France. Il est donc urgent de mettre simultanément en place des politiques drastiques de redressement tout en maintenant les conditions de production et de consommation pour se prémunir du cycle infernal de la récession.

Sur le plan de l’analyse économique ensuite :

Pour répondre aux accrocs de la dévaluation dite compétitive et si on veut se passer de demander aux Argentins et aux Suisses ce qu’ils pensent des avantages comparés d’une monnaie faible ou forte, posons nous la question de ce qu’elle signifie vraiment dans un pays comme la France pleinement intégré à la mondialisation.

Premier effet de la dévaluation : Une hausse des prix sur les produits étrangers, mais également sur tous les ensembles semi-finis et matières premières – y compris le pétrole – intégrés dans les produits fabriqués en France. Il en résulte un double mouvement de baisse de nos prix de vente à l’export, mais également de hausse de nos coûts importés. Toutes les entreprises n’étant pas capables d’absorber une telle hausse de leurs coûts, peu ayant en outre la possibilité de se retourner vers des fournisseurs exclusivement hexagonaux, certaines répercutent la hausse sur leur prix, d’autres meurent. L’effet final sur la relance de la production est donc ambivalent. Dans un pays comme la France, largement ouvert, on imagine la taille de cette ambivalence…

Esquivant l’argument, les nonistes répondront que certes, tout n’est pas simple, mais que globalement la dévaluation est la meilleure solution …  Mais, est-on vraiment sûr, même lorsqu’on est noniste, que Porsche, Mercedes et BMW se portent mieux que PSA parce qu’ils ont des prix plus bas ? Est-on sûr que l’i-phone fasse un triomphe mondial parce qu’il est moins cher que les téléphones Sagem ? Sans parler des scooters, des téléviseurs des ordinateurs, tous secteurs où il n’y a pas prioritairement un problème de prix, ni de coût du travail, mais un problème de positionnement de nos produits, de déficit de recherche, de stratégies obsolètes ou inopportunes.

Second effet d’une dévaluation, lorsque celle-ci est attendue, deux phénomènes se passent. Le premier, une fuite souvent massive des capitaux qui vont se placer en sécurité à l’étranger. Une sortie de l’Euro d’un pays membre n’ayant pour but évident que de pouvoir dévaluer, celle-ci déclencherait immédiatement un exode  des capitaux et – par conséquent – un arrêt brutal de tout investissement privé. Concernant la Grèce, la simple éventualité d’une sortie a déjà provoqué des fuites massives  accélérant encore le cycle récessif. Le deuxième phénomène est tout aussi structurant, bien que moins immédiat. En effet, tout risque de dévaluation entraîne immédiatement une hausse des taux d’intérêt. Ce mouvement pénalise mécaniquement et durablement l’investissement. C’est ainsi qu’après les dévaluations Anglaise et Italienne de 1992, les taux d’intérêt de ces deux pays sont restés durablement supérieurs aux taux pratiqués en France.

Autrement dit, si la dévaluation favorise de manière très ambivalente la production domestique de court terme, elle ruine certains secteurs de l’économie – entreprises ou particuliers qui voient leurs coûts fortement augmenter et rabote durablement l’investissement productif …  La belle affaire en vérité que nous proposent là nos amis nonistes !


 

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