J’ai regardé le 1er épisode de la primaire de la droite. Naturellement l’exercice convenu de se succéder en prises de paroles, à 7, debout devant un pupitre doit être aussi désagréable à faire qu’à regarder.
Et puis c’était une première fois. Le trac, tout ça pour des débutants c’est normal ; on pardonne.
Mais j’étais content : 7 personnes intelligentes, diplômées, expérimentées, dont au moins une a travaillé en entreprise, allaient nous donner leur vision de la France jusqu’en 2022 et peut-être au delà.
Ils vont nous dire comment faire de notre pays, seul ou allié à ses partenaires européens, le territoire d’éclosion et de développement des GAFA de demain. La France en Europe va retrouver le sourire en devenant la France 3.0Mais le rêve s’est bien vite dissipé : les vieilles recettes mille fois entendues : les 35 h ont ruiné la France (comme l’avaient d’ailleurs fait pour leurs prédécesseurs, les 39 h et les 40 h, et les 42 h, et l’interdiction du travail des enfants…). il faut baisser les charges pour embaucher. Certes, certes, pourquoi pas, sans doute puisque nous sommes le co-champion de la pression sociale et fiscale.
Mais ces “charges” ce sont les cotisations chômage, retraite, maladie. Alors qui va payer ces cotisations ? Les salariés. Bon pourquoi pas ? C’est globalement ce qui se fait aux Etats Unis… où les salaires sont plus élevés parce que les salariés doivent cotiser eux-mêmes….Donc des coûts globaux….
Bon ne soyons pas trop de parti pris. Ecoutons les nous parler de l’avenir.
Mais de l’avenir, rien ! C’est l’assaut entre ceux et celle qui nous convaincront que grâce à lui, et seulement lui, on reviendra aux 30 glorieuses. Même NKM que l’on attendait sur ce sujet resta terriblement discrète.
Mais, Madame, Messieurs, les 30 glorieuses, c’est fini. Nul super héros n’y fera revenir.
La révolution numérique a commencé et nous n’en sommes qu’au début.
Les DAB ont progressivement détruits des dizaines de milliers d’emplois de guichetiers dans les banques (1 DAB = 2 guichetiers).
De même l’autoscanning va détruire d’ici 5 à 10 ans 200.000 emplois de caissières. De même la voiture intelligente va détruire d’ici 20 ans 1 million d’emplois (chauffeurs de bus, de cars, de taxis, chauffeurs routiers, ambulanciers, livreurs…). Et que dire du 3 D dont on n’imagine pas encore les effets sur les activités industrielles et artisanales .
Les emplois de demain sont à inventer et à créer. Le département américain de l’Education a estimé en 2013 que “65 % des emplois qu’auront les enfants de maternelles aujourd’hui n’existent pas encore”.
C’est de ce demain qu’on aurait aimé entendre parler dans ce 1er épisode. Mais non, pas un mot, pas un demi mot, pas un regard vers l’avenir. Tout pour la vieille France 1.0.
Des réformes, oui, ils en parlent : beaucoup, tout de suite, “moi encore plus”, mais sans rien toucher aux conservatismes aux lobbies d’un autre âge.
La primaire des notaires et des taxis, celle des monopoles, des numerus clausus et des privilèges corporatistes.
L’épisode 2 allait-il nous emmener vers la France 3.0 ?
Allions nous entendre parler d’un vaste projet numérique public/privé, comme en a été capable la toute petite Estonie ?
Tiens, au fait, je suis e-résident estonien !
L’épisode 2 a mieux commencé. Laissons de côté les prises de bec inter-inviduelles ou le temps infini passé sur l’excellent maire de Pau,qui -comme il le pense lui même – semble être au coeur de ce qui doit être mis en oeuvre dans le pays dans les 5 prochaines années.
La discussion sur la sécurité a été intéressante. La forme du débat empêchait qu’elle aille jusqu’au bout. Mais, effectivement, savoir si la performance des forces de l’ordre est davantage liée à leurs effectifs, à leur organisation ou aux missions qu’on leur assigne est important. Savoir pourquoi il faut des soldats (gendarmes) pour contrôler les excès de vitesse sur la route est une vraie question. La redéfinition de la légitime défense en est une autre. Sans qu’on comprenne forcément les nuances entre compétiteurs, ce sont de vrais sujets qui concernent chacun.
En revanche, en matière de sécurité, l’actualité la plus brûlante aurait imposé de parler de la sécurité numérique au moment même où la question du piratage de la messagerie d’Hillary Clinton est au couer du débat présidentiel américain.
Les cyber attaques, authentifiées comme étant d’origine russe, chinoise ou nord-coréenne, contre les sites et les banques de données des gouvernements, les organismes de sécurité, les banques publiques et privées ne cessent de se multiplier.
Le mot “cybercriminalité” n’a pas été prononcé. Et pourtant la question de la protection du fonctionnement même de l’administration et de l’économie est l’enjeu de sécurité majeur.
Les réponses à y apporter sont liées au niveau d’arbitrage entre libertés individuelles et protection publique en ce qui concerne les communications sur l’internet (ou plutôt les interne). Les messageries cryptées de type Telegram, utilisées par de nombreuses entreprises ont connu un boom de notoriété avec la révélation de leur utilisation par les réseaux terroristes. Qu’est ce qui est acceptable et ne l’est pas en cette matière ?
Pas un mot. Rien. Nada.
Enfin, si ces sujets sont éloignés (à grand tort) des préoccupations du grand public, parlons des tentatives de piratages de données individuelles, mots de passe, identités, n° de cartes bancaire, phishing… Elles sont bien plus nombreuses que les tentatives de vols de sacs à main.
Qu n’a pas reçu l’appel désespéré d’une personne âgé voulant soudainement nous donner une somme astronomique ? Qui n’a entendu parler des millions de comptes piratés sur des sites prestigieux de réseaux sociaux ou de commerce en ligne ? Qui n’a pas été tenté de répondre à un mail usurpé de Google, d’un opérateur telco ou d’une banque ?
Il s’agit bien de sécurité, de sécurité des particuliers et de sécurité au quotidien. Y répondre nécessite des décisions sur ce qui est du domaine privé (y compris pour les entreprises) et ce qui peut ne pas l’être. Nécessite des moyens de prévention très au delà de l’existant. Nécessite des formations dans les services de police également plus massifs qu’aujourd’hui.
Cette sécurité là, la nôtre, celle de la France d’aujourd’hui et pas des années 60, aucun des candidats de la primaire des boutiquiers et des notaires n’en a parlé.
A leur décharge, Jean Lecanuet n’en parlait pas non plus en 1965.
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P.S. : mon boucher et mon notaires sont des gens formidables, compétents et que j’aime beaucoup.
P.S. 2 : ma mère adorait Jean Lecanuet