Jeanne d’Arc, Poulidor et la “loose”

Qu’on me permette une note dissonnante sur le concert de louanges sur Jacques d’Arc.
Bien sûr, le personnage mythique est d’abord un symbole républicain, pour beaucoup ressorti de l’oubli par Michelet : La petite “bergère” contre les nobles capitulards, la fille du peuple patriote etc…
Parce qu’entre sa mort et Michelet, il faut bien convenir que pas grand monde n’en parlait !
D’ailleurs sa béatification en 1909, à la demande des pouvoirs publics français depuis l’après Commune de Paris,  ne se fera pas facilement et déjà seulement sur pression politique de la France sur le Vatican (ça avait déjà été le cas pour “Saint” Louis, mais c’est une autre histoire)….lequel se demandait bien en quoi il était particulièrement preuve de sainteté d’avoir guerroyé quelques siècles plus tôt. Après les lois de 1905, la béatification sera matière à réconciliation nationale.
Plus tard appropriée par l’extrème droite dans les années 30 (bouter les “mauvais Français” hors de France)…
et enfin, figure ambigüe et contradictoire pendant l’occupation (anti anglaise ET patriotique, de quoi donner du fil à retordre au feldwebel moyen qui ne savait pas s ‘il devait accepter ou non les fleurs déposées devant la statue de Jeanne d’Arc ) d’autant plus qu’étant lorraine, et la croix du même nom étant le symbole qu’on connait, enfin compliqué tout ça.
illustration de la chanson "le carillon" composée par André Losay en 1941 au Stalag 2Bici une illustration dessinée en 1941 au stalag 2B sur “le cahier de prisonnier”d’André Losay, mon père.
Bon ça c’est l’historiographie.
Mais en vrai, Jeanne d’Arc, c’est quand même la figure de la “loose” :
Sarközy von Nagy Bocsa
Ca m’amuse beaucoup que notre président Sarközy se joigne à ce concert ! prémonition du mois de mai 2012 ??
La France, telle qu’on la conçoit depuis Louis XIV n’existait pas. Le territoire était morcelé. Et dans les années 1420, le Nord ouest vit à peu près apaisé sous l’autorité incontestée d’Henri V, allié à la Sorbonne, à l’église gallicane et au Duc de Bourgogne.
Jeanne d’Arc, un chef de bande d’importance médiocre, qui entre effectivement dans un Orléans plus ou moins ville ouverte et en tout cas aucunement occupée par les Anglais par une garnison militaire.
Blessée d’un carreau d’arbalète par la milice bourgeoise de Paris (toute bien franchouillarde, à peine quelques dizaines de soldats anglais) et repoussée par celle-ci. Il suffit de relire les passages impérissables du “journal d’un bourgeois de Paris” qui se réjouit de la mise en déroute des “bandits Armagnacs” et de Jeanne d’Arc.
Arrêtée en pleine débandade par les troupes du Comte de Compiègne (un Français), jugée par le tribunal de Rouen (des français) en 1431… soit juste  seulement 22 ans avant la fin de la guerre de 100 ans !
C’est la franche rigolade de nous la montrer comme une héroïne triomphante à la tête de la Nation unie !
Et oui, Michelet a préféré la Jeanne à ceux qui ont  vraiment “bouté les Anglais hors de France”, les frères Gaspard et Jean Bureau.
Ceux ci n’ont pourtant pas de statues. Mais c’est bien eux qui écrasent sous le feu de l’artillerie le vieux connétable Talbot à la bataille de Castillon en 1453.
On pardonnera au Normand qui a appris tout petit à préférer Anquetil à Poulidor de s’étonner avec humour sur le culte des perdants qui unit tant de personnalités.
Par ailleurs s’il faut parler des héroïnes mythiques et “patriotiques”, j’ai plutôt un petit faible pour Jeanne Hachette à Beauvais, elle aussi antibourguignonne, sans parler de Catarina Segurana à Nice en 1543 qui aurait mis en déroute, en leur montrant ses fesses, les Turcs alliés de notre bon roi François 1°, au profit de sa ville alliée aux Espagnols…
Et puis si la Jeanne peut faire travailler le commerce, tant mieux ! (comme ils disent, “elle appartient à tout le monde” ; moi je vends ma part, au cas où)