Je suis un parisien, je pourrais être un New Yorkais ou un San Franciscain. J’aurais aimé l’élection de Hillary Clinton, comme symbole du plafond de verre qui vole en éclat, venant de la puissante démocratie américaine. Américain, j’aurais voté Clinton.
Mais, essayons d’observer ce qui s’est passé et de penser France 2017 quand on écrit USA 2016 :
- Les élites politico-médiatiques et les militants politiques français (de droite et de gauche) ont toujours combiné une totale incompréhension de la vie politique américaine, un profond mépris de son personnel politique avec une profonde sidération quant au profil des dirigeants qui en émergeaient.
- Souvenons nous de ce qu’on disait sur Jimmy Carter “le marchand de cacahuètes…… De Reagan, l’acteur de westerns imbéciles, de Bush 2 le gros débile alcoolique… et c’est sans fin. Mais ces gens ont été élus et n’ont pas tous fait de très mauvais présidents (qu’on soit d’accord ou non avec leurs orientations est une autre histoire).
- La formidable aventure de la révolution numérique, saluée (à juste titre) par tout ce que le monde compte d’esprits tournés vers l’avenir, ne doit pas faire oublier qu’il y a une histoire à raconter et un avenir à offrir à ceux dont elle détruit les emplois. Ils sont et seront nombreux : hier les ouvriers d’industrie, aujourd’hui salariés des services, demain ingénieurs, informaticiens … et même médecins. Et si on ne les oubliait pas ?
- Une partie de la population, de ce fait, par ce qu’elle vit ou par ce qu’elle projette, est dans une grande insécurité, réelle ou perçue. Elle peut être économique et sociale. Elle peut être aussi une insécurité culturelle (cf Laurent Bouvet). Et si on les écoutait ?
- Pour elle, domine l’impression d’être délaissée par les élites qui ne s’intéressent qu’aux idées, aux tendances dominantes à New York et San Francisco (dans le boboland en France). Et si on ne les méprisait pas ?
- Pour une partie de cette population, cette impression se traduit par le rejet qui peut aller jusqu’à l’exécration des symboles représentatif de cette élite qui trône à Washington comme à New York. Et pour des gens ni racistes ni misogynes (et a fortiori pour ceux qui le sont), une femme succédant à un Africain américain c’était trop. Et si on envoyait des symboles équilibrés ?
- L’Amérique, comme la France est donc coupée en deux. Aux USA, comme en France, Washington (le personnel politique) est considéré comme une planète autonome hors de la réalité des gens. Milliardaire (qui est souvent considéré comme un handicap en France, mais pas aux USA), mais contempteur de Washington, Trump est apparu comme un homme du renouveau. (Un peu plus crédible en ce rôle, avouons le, que Bruno Le Maire en France !). Et si on donnait vraiment des signes de rénovation ?
- Par ailleurs, là-bas, comme ici, on ne gagne pas une élection en se contentant de dénoncer un épouvantail, qu’il s’appelle Trump, Le Pen ou Sarkozy (ou Hollande ces temps-ci). Dès 1986, sans qu’on n’ait jamais su si c’était du second degré ou non (les affiches étaient assez humoristiques),la Gauche faisait campagne sur la thématique “l’autre est un méchant”. La Gauche a perdu en 1986. Et la paresse intellectuelle, la conviction profondément ancrée chez beaucoup qu’il est évident qu’ils portent la seule vérité possible font un bon tandem pour s’exonérer de la construction d’un programme. Et si on arrêtait cette puérilité ?
- Un programme ? Evidemment pas pas un manuel détaillé de ce qu’il faut faire au jour le jour dans les 4 (5 en France) prochaines années, mais une vision, une perspective, une “geste” à laquelle on puisse adhérer. Trump a su le faire avec “rendre à l’Amérique sa grandeur”. “Trump est un incapable imprévisible” n’est pas une vision d’avenir à laquelle on peut adhérer. Et si les candidats nous montraient la “nouvelle frontière” ?
- Enfin, on ne gagne pas une élection avec un candidat détesté par une partie importante de l’opinion. Evidemment les gens de droite n’aiment pas trop les candidats de gauche et réciproquement. Ce serait beaucoup demander. Mais il peut y avoir un minimum de respect ou, au pire, de l’indifférence. Quand un candidat est quasi unanimement perçu par le camp adverse et même une partie de son propre camp comme un politicien retors, une personne sans foi ni loi, quelqu’un qui ne respecte pas la fonction qu’il exerce (je parle des emails de Clinton, pas des entretiens Hollande/Poutine livrés à l’enregistrement de journalistes, on l’a naturellement compris)… l’élection est perdue. Et si les électeurs des primaires diverses y réfléchissaient ?