Alors, Emmanuel Macron se présente !
Je ne peux pas nier qu’ Emmanuel Macron soit séduisant. Un homme ayant le courage d’épouser sa prof de 24 ans son aînée et de rester avec elle, alors que l’argent, la notoriété et les tentations sont là, ne manque pas de panache.
Et les tentations lui sont multiples.
Qui aurait pu imaginer que le collaborateur de Georges Sarre, sans doute ce que le PS fût capable de produire de plus rigide (sans sous-estimer André Laignel bien sûr), puisse devenir banquier d’affaires, puis ministre de d’économie de François Hollande, quelques semaines après avoir fustigé la politique de celui-ci dans un article de presse ?
C’est plus qu’intéressant.
C’est séduisant pour le social libéral assumé que je suis.
De ce que je lis et entends (et encore ce soir avec le 3° épisode de la primaire des boutiquiers et des notaires), il est sans doute un des très rares politiques de premier plan à avoir compris la mutation profonde de l’économie et de la société que génère la révolution numérique.
Sans doute, NKM est dans le même cas, mais les circonstances font, d’une part, qu’elle est moins au 1er plan et, d’autre part, qu’engluée dans sa primaire de dinosaures, elle est amenée à parler sans cesse de Bayrou et du Salafisme et peu de sa vision de nos lendemains.
Donc, Macron est jeune, intelligent, séduisant et comprend ce qui se passe. Waooh !
Macron veut faire de “la politique autrement”… euh, comme Chaban, comme Giscard, comme Rocard, comme Les Verts, comme Corinne Lepage, comme Ségolène Royal et tant d’autres, hier aujourd’hui et demain.
Et c’est là que je passe de la séduction à l’interrogation.
L’autre soir, lors d’un 20 h de week-end de la 2, la journaliste manifestement perplexe disait aux spectateurs “Pour Arnaud Montebourg, Macron c’est Monsieur X”. A voir les yeux de la jeune femme, on voyait bien qu’elle se demandait de quoi notre Montebourg voulait bien parler. Et lui, avec sa pédagogie destinée aux Bac + 12 de plus de 50 ans ne l’y avait pas aidé.
Pourtant, Montebourg posait la bonne question :
Monsieur X, ce n’est pas une allusion au fait que Macron soit un inconnu, ce qu’il n’est pas, de toute évidence. C’est une allusion à une tentative ancienne de faire de la politique autrement, celle que menèrent Gaston Defferre et Jean-Jacques Servan-Schreiber (JJSS) pour préparer l’élection présidentielle de 1965.
JJSS, patron de l’Express (alors prestigieux) poussa la candidature d’un homme nouveau, longtemps anonyme (Mr X) pour rassembler à gauche, au centre et à droite tous ceux qui voulaient s’opposer à de Gaulle. Cet homme nouveau, c’était Defferre. Bon, certes, moins nouveau que Macron aujourd’hui, mais avec un fond de discours commun : les partis sont moribonds ; les clivages anciens sont obsolètes ; il faut du renouveau ; il faut de la modernité ; il faut écouter les gens.
La candidature de Mr X suscita de l’intérêt et de la sympathie. Puis elle s’effondra du fait que la SFIO de Guy Mollet lui tourna le dos, que le MRP (les centrises de l’époque) n’en voulurent point et que la droite anti gaulliste restât à droite.
Defferre-Mr X ne fût pas même candidat à la présidentielle de 1965. (il se rattrapa en 1969 en faisant le pire score que ne fît jamais la gauche en ce pays).
Pourquoi ? parce que les modernistes de gauche ont préféré la gauche ; les modernistes du centre ont préféré le centre et les modernistes de droite ont préféré la droite.
Mais non, Macron ne ressemble pas à Monsieur X, il ressemble à JJSS.
JJSS est sans doute ce qui ressemble le plus à Macron dans les années 70. Brillant, séduisant, orateur galvanisant, surfant de succès en succès, il est homme de presse, responsable politique du Parti radical, agitateur anti système, auteur à succès (Le Défi américain est, déjà, une ode à la modernité). Sa côte de popularité dans les milieux modernistes, et novateurs est aux sommets. Il est le contempteur des idées reçues, de la pensée unique, du conservatisme.
Appuyé sur aucun appareil mais sur un réseau puissant de faiseurs d’opinion, il pense avec ses amis pouvoir culbuter le système. Il crée le “Mouvement réformateur” pour rassembler les progressistes de tous bords. Ce n’est pas sans résultats : il reste 12 jours “ministre des réformes” de Giscard avant que Chirac ne dégage celui qu’il appelle “le Turlupin”.
En 1979, JJSS fera 1.89 % des voix aux élections européennes.
Peut on réussir en politique en faisant fi de la politique et des hommes qui la structurent ?
Mais non, Macron n’est pas Tony Blair
Tony Blair a donné sa réponse. Comme l’avaient fait Helmut Schmidt, puis Gerhard Schröder en Allemagne avec la SPD. Avec sa “bande” du New Labour, Tony Blair s’est attaqué à la montagne du Parti Travailliste archéo de Harold Wilson, a conquis l’appareil, placé ses troupes, s’est appuyé sur des parlementaires élus pour le soutenir, puis a gagné les élections appuyé sur l’appareil reconstruit du New Labour.
Blair n’a pas quitté le Labour, il l’a conquis. Schröder n’a pas quitté le SPD, il l’a conquis.
Alors, Macron ?
Alors, tout est possible, naturellement. Comme dans les contextes évoqués précédemment.
Me reprochera-t-on de revenir encore à Gramsci :
“La crise est le moment où l’ancien ordre du monde s’estompe et où le nouveau doit s’imposer en dépit de toutes les résistances et de toutes les contradictions. Cette phase de transition est justement marquée par de nombreuses erreurs et de nombreux tourments.”
Nous sommes en crise et l’ancien monde ne parvient pas à accoucher du nouveau, c’est clair.
Macron est populaire du fait de que chacun extrapole ce qu’il est. Si j’extrapole qu’il est un social libéral progressiste, je le trouve intéressant. Pour d’autres, s’ils extrapolent qu’il va briser la gauche, ils le trouvent intéressant. D’autres encore vont penser qu’il va rassembler les centres et le trouvent, eux aussi, intéressant… Et les sondages caracolent.
N’étant pas un féru du complotisme, j’exclus que la candidature et son moment soient le produit d’une volonté Sarkozyste de déliter l’électorat de Juppé dans quelques jours.
N’étant pas un féru du complotisme, j’exclus que la candidature et son moment soient le produit de l’Elysée pour faire apparaître absurde une primaire de gauche à laquelle devrait participer le président sortant.
La candidature Macron est donc un acte politique réfléchi et responsable.
Et donc, il va falloir parler, donner une vision, du sens, une orientation.
Hélas, moi, le social libéral séduit par l’homme jeune au fait des mutations économiques, j’ai entendu le discours de Strasbourg. Le libéralisme est devenu complaisance pour la remise en cause de la laïcité et des fondamentaux de la République. Non, accepter comme normaux les signes affichés du rejet de notre “commun” républicain, au nom prétendu d’une religion, c’est sans moi.
Monsieur Macron, vous auriez pu me gagner à Paris, tant le spectacle des diverses primaires est déprimant, tant je partage l’appétence au renouveau, tant il est souhaitable de libérer les énergies dans ce pays, tant vous êtes un des rares à pouvoir incarner tout cela.
Vous m’avez perdu à Strasbourg.
Et je redoute que sur chaque thème, comme avant vous tous ces modernisateurs dont on aimait la modernité sans connaître leurs idées, vous perdiez des sympathies chaque fois que vous aborderez une thématique clivante.
Alors, encore, pourquoi pas ?
Mais Macron ne sera pas au 2° tour. Aux législatives, il n’y aura pas de député “en marche” élu (sauf ralliement à la primaire de la BAP, donc renoncement)… Alors on se dit quoi ? “A dans 5 ans ?” Mais on parle alors d’une longue marche de construction d’un nouvel espace politique, dure, conflictuelle, laborieuse, guère dans l’instantanéité qui semble dominer aujourd’hui.
comment peut on parler de modernite lorsue sa proposition (derniere) sur le travail des jeunes et des anciens est une veritable usine a gaz qui viendrait s’ajouter à une plus grande usine a gaz des 35 h. cette proposition est la demonstration que MACRON est prisonnier d’une idéologie catastrophique qu’ont ete les 35h .rien de nouveau sous le soleil et la lune.
Et pourtant pourquoi pas… Comme tu le dis, tout le monde se retrouve dans ce personnage et finalement n’est-ce pas ce que nous demandons à un président ? C’est le gouvernement qu’il formera qui aura besoin de l’assemblée.
Nous avons vécu des cohabitations subites et pourquoi ne pas enfin faire une cohabitation choisie, mais cette cohabitation serait consciente et demandée par le peuple.
Un gouvernement qui pourrait ressembler à celui que Jacques Chirac aurait dû faire lorsqu’il a été élu en 2002 à plus de 80% au second tous face à J.M. Le Pen.
Alors dans cette hypothèse, cela donnerait un Président fédérateur et dans lequel chacun peut se retrouver (jeunes, antisystème Politique, libéral, social, social libéral,) et un gouvernement allant au-delà du système des partis politiques de la V ieme.
Et si enfin nous votions pour une adhésion et non par rejet de tel ou tel.
Car Finalement, le Général ne disait-il pas que l’élection présidentiel est la rencontre d’un homme et d’un peuple ?
Ce que je dis Christophe, pour faire simple et court, c’est qu’aujourd’hui Macron est populaire sur l’idée générale que les autres se font de lui et pas grâce à ses idées à lui qui sont finalement peu connues. Voulait il faire une autre politique économique que celle qu’il a mise en oeuvre comme ministre ? alors pourquoi est il resté ? La politique qu’il a mise en oeuvre était elle celle du président et du premier ministre ? alors comment dire qu’il n’est pas d’accord avec eux ? Que pense-t-il de la laïcité ? Ca nous commençons à le savoir, depuis le discours de Strasbourg : quelque chose proche du communautarisme anglo-saxon et éloigné de l’intégration républicaine ? Sur ce sujet là, pour moi considérablement important e ces jours, je ne suis vraiment pas d’accord. Et sur la politique étrangère, nous ne savons encore rien, ni sur la politique industrielle, agricole, les relations avec la Russie… Il faudra bien un jour qu’il parle de chacun de ces sujets. Et chaque fois des gens découvriront qu’il n’est pas l’idée que eux avaient.