mon engagement politique

16/04/2012

“Social-libéral”, un gros mot ?

Je ne sais pas qui a inventé le concept de “social-libéral”, mais il a surtout été employé par ceux qui se considèrent comme “la gauche de la gauche” comme un qualificatif péjoratif voire injurieux à l’égard des courants du Parti socialiste, comme les proches de Strauss-Khan, de Moscovici, de Valls… qui préfèrent se présenter comme réformistes ou social-démocrates.

Or la social-démocratie n’a jamais existé en France, si on considère que ce courant politique est non seulement déterminé par son orientation mais surtout par les liens organiques qui l’unissent au mouvement syndical, et, ce, dans des pays où le mouvement syndical lui-même est moins divisé qu’il ne l’est en France et où il se concentre sur ce qui est son essence, “la défense des intérêts matériels et moraux” des salariés.

La Charte d’Amiens qui a présidé à la constitution du mouvement syndical français a autant contribué à l’empêchement d’une social démocratie française que ne l’a fait la tradition du mouvement socialiste français. Celui-ci, à la différence de ses homologues européens a été surdéterminé, somme toute peu après sa naissance, par la Commune de Paris. L’adhésion à ce mouvement révolutionnaire, l’irruption de l’utopie dans le réel, a été imposé de fait comme un discriminant incontournable au moins dans les postures et les discours.

La question n’est pas non plus “réforme ou révolution ?”. Cette question est biaisée, naturellement. Elle présuppose en effet un accord sur un objectif commun et un désaccord circonscrit aux moyens d’y parvenir. Poser la question en ces termes, c’est inévitablement donner l’avantage idéologique aux tenants de la révolution qui proposent d’arriver plus rapidement et plus radicalement à l’objectif. Si celui-ci est commun, pourquoi être timoré, précautionneux ?

Après Besancenot, Mélenchon enflamme ses auditoires pour promettre cette société sans classes, cette fin de l’histoire. Les réformistes apparaissent comme des boutiquiers. Si être “de gauche” c’est bien, alors être d’extrême gauche, c’est extrêmement bien !

Or, malheureusement, la parousie promise a montré ce qu’elle était vraiment. En Russie, en Ukraine, en Chine, au Viet-Nam, au Cambodge, à Cuba, en Europe centrale, la confiscation de la propriété privée s’est toujours accompagnée de la privation des libertés, la dictature a partout régné. Le pouvoir économique et politique a été confisqué par des mafias parfois héréditaires.

J’ai gardé de ma jeunesse la haine du stalinisme et j’ai une certaine fierté à n’avoir jamais cédé à ses sirènes, fussent elles tropicales ou asiatiques. De même que d’avoir milité pour la libération de Mustafa Djemilev en 1976, comme d’avoir contribué à l’accueil de Léonid Pliouchtch en France, dans le cadre du comité international contre la répression.

Cependant, pour ceux qui ne l’avaient pas compris dès le “retour d’ URSS” de Gide ou “la ferme des animaux” d’Orwell, ceux que les assassinats de Kirov et de Trotsky comme les procès de Moscou n’avaient pas décillés, ceux à qui Budapest 56 et Prague 68 n’ont pas suffi, ceux qui ont cru que “la grande révolution culturelle prolétarienne” était autre chose qu’une gigantesque guerre intra bureaucratique dont la victime était avant tout le peuple chinois, il est plus que temps de regarder la réalité en face.

La réalité c’est que la révolution n’a pas été trahie (même si les aspirations sincères de millions de gens l’ont été). L’ Etat ouvrier n’a pas “dégénéré”. Le stalinisme n’est pas la négation du communisme. Il est le communisme. Le communisme, c’est l’appropriation du pouvoir économique par une clique privilégiée et un Etat totalitaire policier.

le 16 janv 1969, Jan Palach s’immole par le feu pour protester contre l’invasion de la Tchécoslovaquie

Le débat n’est donc pas entre les moyens de parvenir au même but. Le débat est sur le but. Et ce qui doit nous rendre optimistes, c’est que justement ce débat peut s’ouvrir parce que la parousie marxiste a fait faillite.

Loin de moi de tout rejeter de Marx. beaucoup de ses analyses économiques et sociales étaient pertinentes, sur l’accumulation du capital, la valeur, la mondialisation et j’en passe… Mais son projet politique de dictature du prolétariat était une impasse totale.

J’ai adhéré très jeune à une gauche qui pensait possibles des lendemains meilleurs. Je ne me reconnais pas dans une gauche focalisée sur “c’était mieux avant”. Ce n’est pas le moindre paradoxe de ce pays que Nicolas Sarkozy ait pu incarner un temps pour certains le “parti du mouvement” et le PS le “parti de l’ordre”.

Il nous faut revenir aux utopies fondatrices de la pensée politique moderne, pour les dépasser, les adapter au monde actuel.

Le libéralisme et le socialisme sont les deux grandes utopies progressistes du XIX° siècle. Elles étaient progressistes parce que l’une comme l’autre visaient l’amélioration de la condition humaine. Elles avaient en commun de s’opposer au conservatisme, aux corporatismes, aux monarchies réactionnaires. Elles étaient utopies parce que leur confrontation au réel a produit l’antinomie de l’idéal recherché.

Le libéralisme a donné “le renard libre dans le poulailler libre”
Le socialisme a donné le goulag.

L’enjeu idéologique et politique est de montrer qu’il est possible d’affronter les grands sujets incontournables pour notre avenir et celui de nos enfants :
– la dette abyssale
– la question énergétique
– la question de l’eau et des déchets
– les autoroutes de l’information
– la croissance mondiale partagée et solidairement redistribuée.

Pour celà il faut rompre avec ce que socialisme et libéralisme ont généré de pire, pour en garder l’utopie progressiste. C’est je crois le sens qu’il faut donner positivement au qualificatif de “social libéral”. Il faut concilier la liberté (y compris celle d’entreprendre et les libertés des personnes) et la redistribution des richesses (par l’accompagnement -et non l’assistanat- des plus faibles).

Redonner foi en l’avenir c’est aussi arrêter de penser que les problèmes sont la faute de “l’autre” (l’Europe, la Chine, l’immigré, le chômeur, le riche…)

Oui je crois que l’Europe est une chance, et c’est la responsabilité collective de notre génération ne n’avoir pas su transformer cette réalité en rêve. La foi en la nécessaire construction d’une Europe politique est sans doute mon principal “marqueur”.

Oui je crois que l’Euro nous protège et que sans lui la France serait dans une situation bien pire que celle qu’elle connaît.

Oui je crois que la globalisation est une opportunité. Et il est dramatique d’entendre des courants politiques qui haranguaient naguère pour l’aide au “tiers monde”, pour la diminution des inégalités Nord/Sud se désespérer aujourd’hui de la croissance de la Chine et de l’Inde après celle de la Corée du Sud.

En reprenant le nom du courant de  Paul Brousse, un des fondateurs du Parti Socialiste français, je me définis depuis longtemps comme “possibiliste” et depuis peu comme social-libéral.

Il y a une gauche qui pense que la pauvreté est à combattre et une gauche qui pense que la richesse est à combattre. Je suis de la première.

Il y a une gauche qui pense que demain est à construire et une gauche nostalgique d’un passé mythique à la “Amélie Poulain” qu’il faudrait défendre. Je suis de la première.

Il y a une gauche européenne et décentralisatrice. Il y  a une gauche étatiste et jacobine. Je suis de la première.

Il y a une gauche républicaine et une gauche communautariste. Je suis de la première.

Je pense aujourd’hui qu’au sein du Parti Socialiste, malgré la présence d’hommes et de femmes de talents et de convictions proches de ces thématiques, il n’est pas possible de faire émerger ce courant de pensée. Et moins encore à l’approche d’alliances avec le front de gauche.

Il existe en revanche, j’en suis sur, nombre de personnes plutôt issues du courant libéral, plutôt issues directement ou non du PS et de mouvements écologistes, proches des positions développées par le groupe des “Gracques” lors des dernières présidentielles qui peuvent se retrouver pour contribuer à la création d’une gauche moderne, d’une nouvelle Gauche, comme le groupe de Tony Blair avait réussi à créer un “new Labour”.

Je ne crois pas que Manuel Valls, contraint par les enjeux internes du PS soit en mesure de rassembler ces courants convergents de pensée.

Je ne crois pas que le PRG, assurément pro-européen, mais totalement imbriqué au PS au point de lui déléguer toute forme d’action, voire ses propres finances en soit capable.

Je ne crois pas que François Bayrou, un homme aujourd’hui seul, dont le parcours politique est quand même extrêment lié à la droite en soit capable. Ajoutons que sur des questions fondamentales (OGM, droits des personnes, avortement..) il est plus conservateur que nombre d’UMP.

C’est pourquoi je rejoins la jeune aventure de La GMR, Gauche Moderne et Républicaine.

 

4 réflexions sur « mon engagement politique »

  1. Bon naturellement je n’ai pas de culture historico -politique. J’ai un peu de mal toutefois avec le libéralisme et ses effets dans les pays développés : accroissement de la richesse des riches appauvrissement proportionnel des pauvres même si de toute évidence on vit mieux maintenant que dans les années cinquante. Quand j’étais môme dans le XXeme on ne savait pas à quoi ressemblaient les riches, tout le monde rue de la Chine était pauvre on avait des ardoise chez tous les commerçants et on payait en bons de la Semeuse. Tout cela paraissait presque inéluctable et les riches comme les pauvres constituaient des castes non miscibles. Un sentiment d’injustice s’est développé dès lors que lors que les gens ont vu que les patrons n’avaient pas plus de valeur humaine que leurs ouvriers mais qui’ils leur étaient utiles pour accroître leurs bénéfices accumuler des richesses qui n’étaient réinvesties que pour en créer plus en non pas pour être partagées. Bon , je vois ça de la stratosphère et le détail du terrain m’échappe mais ce sentiment ( que j’ai appris à modérer) reste malgré tout assez présent. Je comprends donc assez bien l’engouement pour le PC pendant longtemps, celui pour Mélanchon et LePen qui en restant tout à fait irréalistes sur bien des points et hautement critiquables sur d’autres, représentent pour certains un espoir de lendemains qui chantent, une planche de salut ( qui conduit au précipice).
    Hollande c’est peut être moins pire mais je ne vais pas sauter en l’air à son élection comme je ne l’ai pas fait en 81. J’attend le tsunami de désillusion à son inévitable plan de rigueur 6 mois maxi après son élection. Autrement dit avec lui on va être sur un changement qui ne change rien puisque les logiques à l’oeuvre seront les mêmes. On a le choix entre l’utopie heureusement avortée dans l’oeuf et le changement dans la continuité…pas très exaltant !
    Je suis d’accord avec toi les grands chantiers n’ont pas été abordés et c’est bien ce qui me fait dire qu’il y aura des lendemains qui déchanteront.
    Sur un autre plan ( et dans le désordre) la mondialisation c’est formidable. Il faut toutefois accepter que dans les pays indust. la sécurité liée au travail et construite petit à petit s’amenuise : chômage, école, sécurité, protection sociale vont se détériorer. A long terme les chinois , les indiens vont s’enrichir peut être même avoir les mêmes avantages que ceux dont on bénéficie aujourd’hui et générer un renversement des rapports de force économique. ( si ce n’est pas déjà fait ) Pour tout dire je ne sais pas si social et libéral ne sont pas des termes antinomiques et encore une fois les logiques de performance, de compétitivité ,de concurrence risquent avec Hollande de continuer de plus belle….je ne parle même pas des autres !
    Voila, je suis pessimiste et ne crois pas vraiment à une issue à moyen ou long terme. On va aller vers la décroissance ou plutôt la décroissance va s’imposer d’elle même. Bon je voterai quand même pour Hollande faute de mieux
    Ton texte fait penser par moment à un discours de meeting en meilleur et il est bien documenté et “savant” Je ne sais pas si ça fait seventies je ne lisais que des trucs techniques à l’époque , j’en ai gardé cette naïveté politique.

  2. Mon cher Gérard,

    au fil des années, j’ai appris la modération et, comme diraient d’autres, la pierre s’est polie. Tu sais que je t’invites à suivre ce chemin.
    Effectivement, nous n’avons pas de choix enthousiasmants.
    Mais, comme tu le dis toi même, ce “n’était pas mieux avant”. Les barres de HLM, le XX° où tu vis ont pris la place de bidonvilles, des “cités de transition” et l’Etat de non-droit ne date pas d’hier, mais de toujours : les “fortifs” décrites par Victor Hugo, les bidonvilles où prospéraient le MNA et le FLN dans les années 50 étaient bien davantage encore des cités de non droit où la police mettait encore moins les pieds qu’aujourd’hui aux franc-moisins.
    Je racontais ces jours ci à un ami que mes parents, au tout début des années 50, n’ayant pas de logement s’étaient vus offrir gratuitement un wagon SNCF désaffecté, mais n’avaient pas les moyens d’en payer le transport. Non, tous ceux qui ont milité pour le changement radical dans les années 70 ne sont pas nés “avec une cuillère en argent dans la bouche”.
    Il est plus facile, c’est certain, d’adopter une posture messianique et d’en être le prophète (de ces candidats, Poutou, Artaud, Mélenchon, le Pen, tout le monde n’a pas le brio de Saint Paul dans ses épitres).
    Quand je revendique le label “social libéral”, ce que je veux dire est à la fois simple et complexe, bien entendu.
    – Je lis sur facebook les commentaires haineux (notamment sur les pages de Filoche) de partisans du front de gauche qui disent Sarkozy-Hollande “bonnet blanc, blanc bonnet” en héritiers légitimes de l’agent du Kominform qu’était jacques Duclos.
    – Dans le même temps, cadre d’une entreprise privée de longue date, lecteur quotidien du figaro et des Echos ( c’est évidemment plus cool de ne lire que libé), je suis bien placé pour savoir que les gens de droite -eux- font bien la différence. “No pasaran” s’est exclamé Sarközy ce dimanche. Crois moi, de tout temps et encore aujourd’hui, la droite considère globalement la gauche comme illégitime.

  3. Lire votre échange m’inspire un petit commentaire, que je me permets de vous livrer.
    Pour des raisons liées à l’affrontement, au XIX° siècle, entre républicains et socialistes, que Jaurès le premier permit aux socialistes de dépasser, le terme libéral, en France, a un sens contraire à celui qu’il a dans le reste du monde.
    Partout dans le monde, Libéral s’oppose à Autoritaire. Aux États Unis, les “libéraux” sont à la gauche du Parti démocrate qui est à la gauche de l’échiquier politique américain. En France “libéral” a, pour l’intelligentsia, donc les médias, donc la population, le sens que dans le reste du monde a le mot “conservateur “ou “néoconservateur”. Pourtant, Reagan, Thatcher, Bush, Cameron, ce sont des conservateurs ou des néoconservateurs, pas des libéraux comme on le raconte en France !
    Le libéralisme ce n’est pas la dérégulation et la fin des services publics, c’est un régime de libertés, dont la référence est la grande Révolution française. 1789 porte le libéralisme ! Ça vous évoque Thatcher, Bush, Reagan, Arnaud, Bolloré, le Fouquet’s, le Crillon, 1789 ? Pas du tout, naturellement. La prise de la Bastille, n’est pas la privatisation de la santé et de l’éducation !
    Il faut dire que dans les années 50 et 60, les défenseurs du régime totalitaire d’Union soviétique, le régime probablement le plus autoritaire de la planète, maudissaient tout ce qui était libéral ou parlait de liberté, liberté qu’ils assimilaient aux vipères lubriques du pentagone, ou à l’hitlero-trotskysme… Cette chappe de plomb ne s’est pas encore levée en France.
    La théorie des lumières françaises du XVIII° siècle, la théorie des encyclopédistes, Diderot, Rousseau, d’Alembert, c’est le libéralisme. Vous pensez que c’est Reagan, Bush, Merkel qui sont leurs disciples d’aujourd’hui ?
    Il y a un interdit dans la pensée française, c’est ce libéralisme révolutionnaire. On a le choix entre du “social” mais un peu chiche sur les libertés, à la Brejnev, ou du libéral, avec de la liberté, mais seulement pour ceux qui en ont les moyens financiers, l’élite… Évidemment, si l’avenir est ainsi fait on comprend le pessimisme français.
    Non il existe une voie entre Staline et Thatcher, c’est celle du socialisme de liberté qui n’échange pas le social contre la liberté. En France, naturellement social-libéralisme est un gros mot, pourtant, réfléchissez bien, le socialisme et la liberté c’est notre façon de répondre aujourd’hui à cette question que posaient les révolutionnaires français, celle du rapport entre la politique et le bonheur.
    Certes on est loin des 7 français sur 10 qui confessent avoir du mal à boucler les fins de mois, et des propositions de François Hollande. En apparence seulement, car la liberté, et le social, demandent pour être combinés harmonieusement, de partir du réel, pour le transformer et non pour le condamner au nom d’une utopie généreuse. C’est exactement ce que propose François Hollande comme méthode, pour redresser une situation ou l’important n’est pas tant la dette abyssale de l’État, que les injustices plus abyssales encore de la société !
    Mais sans résolution du problème de la dette, aucune marge n’existe pour résoudre ces injustices, en maintenant un état de Droit, un régime de libertés publiques. Et c’est précisément ce but qu’il s’assigne.
    Voilà toute la difficulté de la tâche qui lui sera confiée, si les Français en décident. Mais voilà aussi de quoi voir se lever un espoir s’il est élu.

  4. “Voilà toute la difficulté de la tâche qui lui sera confiée, si les Français en décident. Mais voilà aussi de quoi voir se lever un espoir s’il est élu.”
    Eh bien voilà…il est élu depuis plus de 2 ans maintenant;…et l’espoir on l’a bien vu se lever mais pas pour les 7 sur 10, n’est ce pas M.Gattaz ? On peut dormir tranquille les injustices sociales sont pas prêtes de disparaitre !

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